Alors que le XXIe siècle est souvent qualifié de « siècle asiatique », la région Asie-Pacifique est devenue un véritable laboratoire de la diplomatie internationale. Les grandes puissances mondiales – États-Unis, Chine, Russie – se disputent l’influence dans ce vaste espace, tandis que les acteurs régionaux – Japon, Inde, Australie – cherchent à peser sur les équilibres géopolitiques. Dans ce contexte complexe et mouvant, comment se dessine le nouvel ordre diplomatique en Asie-Pacifique ?
L’émergence de la Chine comme acteur clé de la diplomatie régionale
Depuis le début du XXIe siècle, la montée en puissance économique et militaire de la Chine a profondément modifié les rapports de force dans la région. Pékin s’affirme désormais comme un interlocuteur incontournable et multiplie les initiatives diplomatiques pour étendre son influence. Le principal vecteur de cette politique est le projet des Nouvelles Routes de la Soie, lancé en 2013 par le président Xi Jinping. Ce vaste programme d’investissements vise à promouvoir les infrastructures et les échanges entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique.
La diplomatie chinoise se caractérise également par une approche bilatérale privilégiant les relations avec ses voisins asiatiques. Ainsi, Pékin a noué des partenariats stratégiques avec la Russie, l’Inde et les pays d’Asie du Sud-Est, tout en cherchant à résoudre pacifiquement les différends territoriaux qui l’opposent à certains d’entre eux. Par ailleurs, la Chine joue un rôle de médiateur dans les crises régionales, comme celle de la péninsule coréenne.
Les États-Unis et leur « pivot » vers l’Asie
Sous l’impulsion de Barack Obama, les États-Unis ont cherché à réorienter leur politique étrangère vers la région Asie-Pacifique, afin de contrer l’influence grandissante de la Chine. Ce « pivot » (ou « rebalancing ») s’est traduit par un renforcement de la présence militaire américaine et le développement d’alliances avec des pays tels que le Japon, l’Australie ou encore l’Inde. L’objectif était également de promouvoir un système régional fondé sur les règles du droit international et le libre-échange.
Cependant, cette stratégie a connu des revers importants sous la présidence de Donald Trump, notamment avec le retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique (TPP) en 2017. Le discours protectionniste et unilatéraliste de Trump a suscité des interrogations sur l’engagement américain en Asie-Pacifique, d’autant plus que Pékin a profité de cette occasion pour promouvoir sa propre vision de l’ordre économique régional, notamment à travers l’accord de partenariat économique régional global (RCEP).
Les acteurs régionaux en quête d’autonomie
Face aux ambitions des grandes puissances mondiales, les acteurs régionaux cherchent à préserver et renforcer leur autonomie diplomatique. Le Japon, qui demeure un allié fidèle des États-Unis, a ainsi multiplié les initiatives pour se positionner comme un acteur incontournable sur la scène asiatique. Sous la direction du Premier ministre Shinzō Abe, Tokyo a renforcé sa coopération avec l’Inde et l’Australie, tout en développant un « arc de liberté et de prospérité » autour de la Chine.
L’Inde, quant à elle, cherche à affirmer son statut de grande puissance émergente et à peser sur les équilibres géopolitiques régionaux. New Delhi entretient des relations complexes avec Pékin, entre rivalité stratégique et coopération économique. En parallèle, l’Inde s’est rapprochée des États-Unis et du Japon, notamment dans le cadre du dialogue quadrilatéral pour la sécurité en Asie-Pacifique (Quad), qui inclut également l’Australie.
Le rôle des institutions multilatérales et des mécanismes de coopération régionale
Dans cet environnement incertain, les institutions multilatérales et les mécanismes de coopération régionale jouent un rôle crucial pour faciliter le dialogue et la concertation entre les différents acteurs. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) constitue ainsi un espace de discussion privilégié pour les questions de sécurité et de développement. Par ailleurs, des forums tels que l’APEC (Coopération économique Asie-Pacifique) ou le Sommet de l’Asie de l’Est contribuent à renforcer la confiance et à promouvoir des projets communs.
En dépit des rivalités et des tensions qui traversent la région, la diplomatie en Asie-Pacifique se caractérise donc par une certaine dynamique d’intégration et de coopération, qui témoigne de la volonté des acteurs locaux et internationaux de construire un nouvel ordre mondial plus équilibré et plus stable.